
Constellations
Clarisse Paccalin
Dans la Grèce antique, on divisait le monde en quatre parties : l'Europe au nord, la Libye au Sud et l'Asie à l'est. Le monde Hellène était quant à lui situé au centre. Dans chaque partie de ce monde ainsi divisé, s'expriment des conceptions différentes de la nuit.
Dans ce qui correspond à la Libye, on peut faire figurer l’Égypte antique, dont les mythes fondateurs sont antérieurs aux mythes grecs.
L’Égypte antique est le lieu de plusieurs cultes associés à différentes cités : il y a donc une diversité de mythes fondateurs. On peut évoquer le culte solaire attaché au dieu Ré, essentiellement dans la cité d'Héliopolis, qui laisse peu de place à la nuit. Celle-ci n'est personnifiée dans aucune divinité. Chaque nuit, le dieu soleil, qui tient une place primordiale dans le panthéon égyptien doit s'engager dans un combat contre le serpent Apophis qui personnifie le mal. Le dieu traverse le Douat, au-delà souterrain ou céleste dans une barque que le serpent tente de faire chavirer : de l'issue du combat dépend le retour du soleil sur terre. Les âmes des morts présents dans l'au-delà bénéficient du jour lorsqu'il fait nuit sur terre et sont plongés dans les ténèbres lorsque le soleil brille chez les vivants.
Si on se tourne vers l'Asie, on peut évoquer la mythologie mésopotamienne, dont les principaux mythes sont mis par écrit aux alentours du IIème millénaire avant J-C, et qui accorde une place non négligeable à l'astre lunaire. Celui-ci est personnifié par le dieu Nanna (ou Sîn). Son rôle est essentiel dans la conception du temps des Mésopotamiens : ses apparitions servent à mesurer les jours et les mois et donc à établir un calendrier. Le dieu Lune est le père du dieu Soleil Samash : lorsque l'un éclaire le ciel, l'autre est dans le monde souterrain. Les éclipses de lune étaient parfois vues comme une attaque du dieu lune par des démons : il fallait prêter assistance à la lune par des rites. Ces événements étaient source de présages. De plus, le dieu Lune est assimilé à un berger et les étoiles qui l’entourent à des bovins. La forme du croissant de lune, qui se reproche de cornes rapproche d'autant plus le dieu de cet animal lié à la fertilité.
Chez les Grecs, la nuit est une entité à part. Au VIIIème siècle avant Jésus Christ, Hésiode, dans sa Théogonie, fait naître Nyx, la nuit et l'Erèbe, les ténèbres souterraines, du chaos primitif. De l'union de Nyx et d'Erèbe naissent Héméra, le jour et Ether, l'air supérieur. La nuit est cependant une figure ambiguë : si elle engendre ce sans quoi nulle vie n'est possible, on lui donne également pour descendance une grande partie des maux humains : Thanatos, la mort et son pendant Hypnos, le sommeil, la Vieillesse ou encore le Destin par exemple. A ses nombreux enfants s'ajoutent Némésis, la justice vengeresse, et Eris, autant déesse de la discorde que de la saine émulation. Son domaine est l'Hespérie, lieu situé au-delà des colonnes d'Hercule, et dont le nom signifie « soir ». Les Hespérides sont par ailleurs tenues pour être ses filles.
Du côté de l'Europe, on peut évoquer la mythologie nordique. Celle-ci s'est transmise essentiellement à l'oral et c'est en grande partie grâce à l'Edda poétique, écrite au XIIIème siècle qu'on la connaît aujourd'hui. La nuit est incarnée par la fille du géant Norfi, nommée Nott. Comme chez les Hellènes, elle a pour enfants la personnification du destin, Aud ainsi que le jour, Dag. Le cycle du jour et de la nuit trouve son explication dans le passage successif de Nott et de Dag sur leur chars, offerts par le dieu Odin. Ainsi, chaque jour, ils circulent autour de la terre et de l'écume de la bouche du cheval de Nott naît la rosée matinale. La nuit précède le jour dans cette tâche et Tacite relate que les Germains ne comptent pas le nombre de jours mais le nombre de nuits dans leur partage du temps.
La nuit, c'est aussi la voûte céleste. Les constellations, pures inventions humaines obtenues en reliant les étoiles entre elles, s'accompagnent souvent de mythes, témoins de la façon dont la nuit hante l'imaginaire. Au IIème siècle, Ptolémée recense quarante-huit constellations, liées à des mythes grecs. La constellation de l'Aigle représente par exemple le fameux rapace que Zeus envoya pour dévorer chaque jour le foie de Prométhée. Les cieux font figure de véritables fresques puisque la constellation d'Hercule, qui délivra finalement le titan de son calvaire se situe non loin, ainsi que la constellation de la Flèche, lancée par le héros pour atteindre l'Aigle.
A proximité de la constellation de l'Aigle, la constellation de la Lyre se remarque grâce à l'étoile Véga, l'une des plus brillantes du ciel. Cette dernière forme d'ailleurs, avec l'étoile Altaïr de l'Aigle et Deneb du Cygne la constellation du Triangle d'été. La Lyre est l’instrument du poète Orphée, fils de la muse Calliope. Il parvint à charmer Cerbère, le chien à trois têtes gardiens des enfers ainsi qu'Hadès dans le but de ramener son épouse Eurydice, morte mordue par un serpent. Le projet du poète échoue cependant car il ne respecte pas la condition posée par les rois des enfers, celle de ne pas se retourner avant d'être revenu dans le monde des mortels. Eurydice reste donc pour toujours aux enfers.
On peut aussi s'intéresser à un astre seul, autour duquel plusieurs légendes issues de différentes cultures viennent se greffer : l'étoile Sirius, de la constellation du grand chien, étoile la plus brillante du ciel. Dans la Grèce antique, Sirius est le chien du chasseur Orion, lui-même associé à une constellation. Ce fameux Orion fut envoyé au ciel après avoir été tué par le scorpion d'Artémis. C'est pourquoi la constellation d'Orion et celle du Scorpion sont situées à l'opposé du ciel et que l'une disparaît à l'horizon quand l'autre se lève.
Les Egyptiens, quant à eux, faisaient de l'étoile la plus brillante du ciel une déesse, connue sous le nom Sothis. Son apparition coïncidait avec la crue du Nil : elle marquait le début de l'année et était synonyme de fertilité.