
Pierrot
Minh-Tài Tong / Marion Braud
Lorsque la nuit envahit les rues
Et que les feuillages s'éteignent en silence,
Lorsque la Lune se cache derrière les nuages et leur panse,
Descend Pierrot de son fil suspendu.
Lorsque la nuit brouillarde le ciel de son manteau
Et que l'orchestre sylvestre cesse ses percussions,
Glisse Pierrot le long du fil de Lune et de son halo,
Acrobate nuveteux, larme muette des constellations.
La pointe de sa pantoufle blanche se pose
Sur le goudron noir et froid de la triste cité,
Mais la joie de Pierrot le fait bondir et s'élever
Tel un valseur joyeux que la nuit n'indispose.
Ricochet étoilé entre les murs d'ombre,
Mer morte où jaillit, s'étend et replonge une fée
Voyez l'amour blanc suspendre aux fenêtres son envolée, et
Se précipiter au sol et rebondir sans encombre.
C'est alors que la lumière, sur son visage,
Pâlit. Une douleur au cœur a frayé son chemin,
S'immisce dans ses veines, ternit ses habits d'un noir chagrin.
Harmonie rompue, sauts brisés, douleur devient adage.
Mais Pierrot se refuse à la mélancolie.
« Fils de Lune, Foi de Pierrot, la noirceur ne m'aura pas de sitôt »
Alors l'acrobate plie les jambes plus haut, s'enfonce plus fort dans le bitume,
Il tire sur son fil à en faire tomber la Lune.
