
La nuit, une période propice à la création
Fantine Collonge
« Je suis une nocturne. Pour moi, la créativité vient la nuit. Il se passe quelque chose avec la nuit. Une énergie différente. La nuit est un vide dans lequel je peux créer. » Grace Jones
Nombreux sont les écrivains, artistes et inventeurs à avoir su extraire l’inspiration la plus prolifique au cours des heures les plus avancées de la nuit, et à avoir « accouché » des plus remarquables chefs-d’œuvre sous l’œil rond et luisant de l’astre nocturne.
En atteste cette infographie basée sur le travail de Mason Currey datant de 2013, Daily Rituals : How artists work:

Période d’introspection privilégiée, la nuit constitue en effet le moment opportun pour laisser s’exprimer sa plume ou son pinceau afin de libérer ses émotions et ses idées, dans un état de semi-conscience qui permet à l’imagination de se manifester pleinement. La nuit nous plonge dans cette sorte d’état d’« ébriété créatrice ». L’artiste s’abstrait du bruit extérieur pour laisser résonner son chaos intérieur.
L’explication est d’abord scientifique : avec la fatigue, le cortex frontal ralentit son activité, ce qui permet de libérer la place aux idées et à la créativité. On cherche moins à analyser ce que l’on perçoit qu’a laisser divaguer l’esprit. Dans ce cadre, l’originalité est plus à même de faire immersion.
Le potentiel inspirant sans fin de la nuit permet donc d’exploiter en soi la créativité nocturne.
Honoré de Balzac avait par exemple pour habitude d’écrire entre 1h et 8h du matin. Dans une lettre datant du 1er septembre 1836, il écrit : « J'ai repris la vie de forçat littéraire. Je me lève à minuit et me couche à six heures du soir. » L’auteur de La Comédie Humaine profitait ainsi du calme de la nuit pour débuter sa longue journée de travail.
Da la même manière, la nuit était le moment de prédilection d’un Flaubert particulièrement productif entre 22h et 3h du matin. Dans la préface de Lettres de Flaubert à Sand , Maupassant en témoigne : « Il veillait jusqu’à trois ou quatre heures du matin, accomplissant alors le meilleur de sa besogne, dans le silence calme de la nuit, dans le recueillement du grand appartement tranquille, à peine éclairé par deux lampes couvertes d’un abat-jour vert. »
A en croire les mots du critique littéraire italien Pietro Citati, Dostoïevski « écrivait la nuit, de dix heures du soir à cinq heures du matin ; il était pris d’engourdissements, de flux de sang à la tête […] et pourtant, il ne pouvait écrire que la nuit, car seule la nuit lui apportait le silence et les ténèbres dont il avait besoin. » Les Nuits blanches (1848) est d’ailleurs le titre (évocateur) de l’une de ses innombrables nouvelles.
La liste est encore longue des grands noms ayant marqué la littérature ou l’art, et ayant tous en commun une remarquable activité nocturne : Proust, Hugo, Le Corbusier, Kafka ou encore Beethoven s’y inscrivent notamment.
La solitude va de pair avec la nuit, et les artistes l’affectionnent tout particulièrement. C’est en effet dans ces moments où ils se retrouvent avec eux-mêmes que les idées fusent et sont les plus riches. L’environnement extérieur, autrui ne peut les interrompre, et c’est ce qui leur offre l’occasion de se concentrer sur les idées contenues en eux, de converser avec leur inconscient, voire de se soustraire tout entiers au réel pour entamer un voyage onirique inédit et fécond, qui verra naître les plus remarquables de leurs œuvres.